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Le budget et l'empreinte carbone, c'est quoi ?

Le climat est partout. Même en pleine crise du coronavirus, de nombreux articles nous rappelent que le dérèglement du climat prendra le relais des mauvaises nouvelles. Preuve que le sujet inquiète.

Il mobilise les chefs d’État et organisations internationales qui ont pris l’habitude de se regrouper chaque année dans une ville différente lors des Conférences des Parties (COP). La 26ème édition de ces COP aura lieu en 2021 à Glasgow.

Les COPs s’enchainent, mais avec quel succès ?

Un succès loin d’être éclatant - source

Notre objectif

Mais quel est exactement notre objectif ? Nous devons baisser nos émissions de gaz à effet de serre : en dioxyde de carbone (CO₂), le principal dont on entend toujours parler, mais aussi en méthane (CH₄), en protoxyde d’azote (N₂O), etc. Pour simplifier, un calcul savant permet de tout résumer à un équivalent CO₂ abrégé en CO₂e : une seule mesure pour les gouverner toutes.

Le e de CO₂e n’est vraiment pas un détail : un voyage en avion Paris-New York émet 1 tonne de CO₂, mais 2 tonnes de CO₂e !

📗 Lisez ce lexique pour aller plus loin.

Pourquoi se soucie-t-on de ces gaz ? Plus nous en rejetons, plus ils s’accumulent dans l’atmosphère et réchauffent la Terre. Aujourd’hui, sa température moyenne a déjà grimpé de plus de 1,2 degrés par rapport aux années 1900.

En épluchant les nombreuses études scientifiques très peu réjouissantes sur les conséquences du réchauffement, les États du monde ont tranché fin 2015 lors de l’accord de Paris : il faut tout faire pour limiter la hausse nettement en-dessous de 2°, et faire au mieux pour la limiter à 1,5°.

Nous marchons vers la catastrophe

Manifestement, nous n’avons pas pris cette direction. Les Nations Unies ont sondé les ambitions de chaque pays : ce plan de route que nous les terriens empruntons, et que l’on impose au reste du vivant, nous dirige vers 3,2° de réchauffement, en supposant que chaque État tienne ses engagements.

Est-ce vraiment catastrophique ? Oui. Nous le savons notamment grâce au GIEC, un effort international de collaboration sans précédent, qui étudie et résume les publications scientifiques de plus en plus abondates sur le sujet. Nous avons tous en tête les types de conséquences : hausse du niveau de la mer, de la fréquence et de l’intensité des canicules, sécheresses, cyclones, etc. entrainant famines, migrations, disparitions d’espèces, etc.

Mais il reste difficile de se figurer leur ampleur. Regardons rapidement les projections de canicules en France dans le “scénario du pire”.

Les canicules en France en 2050 pourraient être très dangereuses Illustration d’un article du JDD citant une étude française utilisant le scénario RCP8.5

Cette carte seule est parlante, mais l’est encore plus quand on compare le nombre de morts des canicules récentes à ceux de la crise sanitaire du coronavirus.

Comparaison des morts de la crise du coronavirus et des canicules : elles sont significatives En rouge, le coronavirus; en jaune, la canicule de 2003. Source : INSEE

Insistons aussi sur la rapidité inédite du réchauffement que nous provoquons : nous modifions notre climat à l’échelle du siècle, quand les précédents réchauffements “naturels” se sont étalés sur des périodes bien plus longues permettant une meilleure adaptation du vivant, comme l’illustre cette frise dessinée (en anglais).

Pourquoi est-ce si difficile d’agir ?

Pour tenir un objectif en degrés de réchauffement, il faut limiter nos émissions de CO₂. Idem pour les autres gaz à effet de serre, mais dans la suite de l’article nous allons nous concentrer sur le CO₂.

Quelle est la limite ? Le calcul est compliqué : les scientifiques modèlisent les océans, les terres, les nuages, comme dans un jeu vidéo ultra-réaliste. Mais heureusement, il en résulte un résumé plutôt simple à comprendre.

RéchauffementNotre budget le 1er janvier 2018le 1er janvier 2020
1,5°420 milliards de tonnes CO₂336
1,75°800716
1 1701 086

Source : tableau 2.2 du rapport SR1.5 du GIEC actualisé

Ce tableau nous dit : pour avoir deux chances sur trois de rester sous les 1,75° de réchauffement, il faut que le monde émette moins de 716 milliards de tonnes de CO₂ à partir du 1er janvier 2020. C’est le budget CO₂ total restant pour notre civilisation. Dans la suite de cet article, nous allons viser cet objectif de 1,75°.

Vous vous demandez peut-être : est-ce que la planète ne nous donne pas des rallonges de budget au fil des années ? C’est vrai, la Terre absorbe naturellement une partie de nos émissions de CO₂, grâce à ce qu’on appelle des puits de carbone. L’objectif est justement de revenir à ce niveau d’équilibre, et ne pas émettre plus que la Terre ne peut en absorber : c’est ce que l’on appelle la neutralité carbone, et nous en sommes très loin aujourd’hui.

📗 Pour en savoir plus sur les puits naturels de CO₂, voir cet article ou ce rapport complet du ministère de l’environnement.

Et en France ?

Très bien, le monde a un objectif simple à tenir, 716 milliards de tonnes. Simple, mais pas vraiment parlant : ça fait combien en tour Eiffel ?

Pour le rendre concret, il faut répartir ces milliards par pays. Quelle est notre part du gâteau en France ? Il y a mille façons de régler ce problème diplomatique. Doit-on considérer que les pays industrialisés de longue date qui ont déjà consommé leur part, laissent place aux autres ? Ou faut-il justement être plus indulgent envers ces pays qui partent de très haut, amortir leur chute ?

L’option la plus objective pourrait être de donner à chaque terrien un budget égal, mais de lancer les décomptes le 1er janvier 2016, au lendemain de ce fameux accord de Paris, comme le propose cet article.

Par exemple, il y a environ deux fois moins de Canadiens que de Français, le budget du pays est donc la moitié du notre. Et pourtant, le Canada émet trois fois plus de CO₂ par habitant que nous ! Ils ont donc très violemment entamé leur budget depuis 2018, et leur effort devra être colossal.

Qui prend les émissions de mon smartphone ?

Un point important vient nuancer ces calculs. La France s’est désindustrialisée : le minitel était construit en Alsace, le dernier smartphone l’est en Asie.

Si l’on considère que le citoyen qui s’achète une télévision HD est responsable de l’ensemble des pollutions de son achat, on parle alors de son empreinte carbone.

Idem pour le pétrole : si le litre d’essence brûlé par ma voiture est comptabilisé sur le territoire France, n’oublions pas que ce pétrole a été extrait pour mon usage, par exemple en Arabie saoudite.

Ci-dessous, on peut voir que les émissions de l’immense fabrique qu’est la Chine sont rééquilibrées avec cette approche par empreinte. En France, nos émissions nationales de CO₂ baissent… mais pas notre empreinte, qui reste constante depuis 1990 (alors que l’on avait déjà prévu de la baisser) !

source

Et moi ?

Oublions maintenant l’approche par pays et les complications des délocalisations, pour adopter l’échelle de l’invividu.

Nous disions plus haut qu’il nous faut limiter nos émissions à venir à ~700 milliards de tonnes de CO₂.

Ca tombe bien : nous sommes à peu près 7 milliards d’humains. Mon budget carbone personnel est donc de 100 tonnes de CO₂ pour rester sous les 1,75°.

Est-ce beaucoup ?

D’après le ministère de l’environnement, un Français a émis en moyenne 8 tonnes de CO₂ en 2018.

Rappelez-vous : les budgets carbone du GIEC sont donnés en CO₂ uniquement, donc nous mettons de côté les 3,2 tonnes de méthane et autres gaz à effet de serre émis.

100 tonnes de budget, dont 8 tonnes grignotées tous les ans, cela nous permet d’atteindre 2032. Super, on a donc 12 ans avant de s’y mettre ?

Non bien sûr ! Comme on le voit sur le graphique ci-dessus, il est irréaliste de viser la neutralité carbone en 2032 et de ne rien faire d’ici là : la chute sera insoutenable. Pour descendre une montagne, on trace un chemin qui serpente pour amortir la pente.

De même, plutôt que de parler d’objectif 2 tonnes ou même objectif 1 tonne en 2050, il faut tracer un scénario qui respecte le budget, année par année.

Ici, on a doublé le temps de l’effort, mais on a coupé le rectangle en deux, pour garder un total de 100 tonnes de CO₂.

Un rapide calcul nous montre alors l’ampleur de l’effort à faire chaque année jusqu’en 2045 : -4 % de notre empreinte actuelle chaque année, donc 320 kg de CO₂ à émettre en moins chaque année par rapport à la précédente.

Et si nous ne faisons rien pendant 5 ans (ce que nous avons fait jusqu’à présent), l’effort sera d’autant plus important, et probablement impossible, les années suivantes.

Construire des scénarios de réduction

Une réduction de 320kg chaque année, est-ce conséquent ? Chacun a une appréciation différente de cet effort, mais il est intéressant de l’illustrer par des choses concrètes de notre vie quotidienne. Voici un exemple de scénario qui correspond à peu près à cette réduction annuelle :

  • à partir de 2020, je fais 2 000 km de moins en voiture (ou covoiture 20 km par jour)
  • à partir de 2021, je renonce à mon vol annuel vers la Croatie (mais pas à mes vacances : il est possible d’y aller en train via Paris-Venise de nuit)
  • en 2022, j’enlève définitivement de ma liste de courses 2 steaks de bœuf par semaine, si c’était toujours le cas
  • à partir de 2023, je baisse la température de chez moi de 1° (et j’achète un magnifique pull en laine qui va durer 10 ans ou plus)
  • en 2024, je divise définitivement par 3 ma consommation d’alcool, si j’en buvais (ou je me limite aux bières locales servies en pression)
  • en 2025, je ne renouvelle pas mon ordinateur portable (je peux en acheter un d’occasion et le garder 5 ans ou plus)

Vous l’aurez compris, ce ne sont que des exemples, il y a beaucoup d’autres chemins pour y arriver et aucun programme rigide de ce type ne sera imposé.

Limiter le risque, ou atteindre l’équilibre

Nous venons d’explorer le scénario qui nous permettrait à limiter le réchauffement à 1.75°.

Or nous avons chacun le choix de faire bien mieux que ces budgets carbone, qui ne font que limiter les dégats climatiques, en s’approchant dès cette année 2020, d’un style de vie soutenable à moins de 2 tonnes de CO₂ par personne, à l’équilibre avec la capacité naturelle de notre pays à absorber nos émissions. Chaque dixième de degré compte.

Nous sommes 7,5 milliards à bord

Mais nous ne sommes pas les seuls acteurs à bord.

Cette approche individuelle a le grand mérite de nous faire comprendre l’ampleur de l’effort requis, mais doit bien évidemment s’associer avec ceux, malheureusement insuffisants jusqu’à présent,

  • des entreprises (on peut espérer qu’un ordinateur en 2025 n’émettera plus que 100kg de CO₂ et ne devra plus être renouvelé aussi souvent)
  • de l’Etat, via ses propres émissions (les services publics, auxquels on ne peut simplement pas renoncer individuellement, représentent 1,5 tonnes de CO₂ par an / personne) ou via des lois qui encadrent la production et la consommation
  • des autres pays. Il va de soi que si la moitié des pays décident de ne pas faire d’effort, l’effort des autres ne sera pas vain mais ne suffira pas.

L’action individuelle et l’action collective sont intimement liées, et toutes les deux nécessaires.

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Trois personnes, au lieu d'un seul individu, marchent dans une nature luxuriante bien qu'en contexte urbain, contrastant avec l'image d'introduction de l'article